Intérioriser les lois cosmiques

Evangiles
Chapitre 5

Les aumônes

1.— « Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes pour être vus, autrement vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Lors donc que tu fais l’aumône ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait la droite, afin que ton aumône se fasse en secret, et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra » ( Matthieu VI, 1 à 4 ).

Normalement, on sonne la trompette quand on veut annoncer une prouesse, un exploit, la victoire d’une armée ou bien la décision importante d’un souverain ou d’une autorité. Le coup de trompette a pour but la mise en relief d’un événement qui n’est pas habituel. C’est pourquoi le fait que l’hypocrite annonce à coups de trompette qu’il va faire l’aumône indique que ce geste n’est pas habituel en lui, qu’il n’appartient pas à son répertoire de gestes quotidiens, courants, ceux qui s’effectuent sans que nous nous rendions compte : la qualité ne fait pas partie de la nature de l’hypocrite, il s’agit pour lui d’un geste singulier, extraordinaire...

2.— Jésus exhortait ses disciples à réaliser ce geste d’une façon spontanée et naturelle, sans y penser, presque comme un acte réflexe. L’aumône n’a de valeur que si elle obéit à un besoin intérieur, car elle indique alors que les mécanismes de la personnalité agissent à l’unisson avec les forces cosmiques, lesquelles, comme nous l’avons jamais vu, plantent leurs graines dans une première phase, nourrissent ensuite les corps selon leurs besoins pour après projeter à l’extérieur l’excédent de vie. Les trois fonctions, à savoir : planter, intérioriser et donner un fruit, sont présentes dans tous les domaines. Dans le règne végétal, les plantes donnent les fleurs ( sauf quelques exceptions ) et des fruits qui contiennent les nouvelles graines et on a encore jamais vu un arbre sonner de la trompette quand il est sur le point de donner un fruit, qui est son offrande naturelle, c’est l’aumône qu’il verse pour que ses compagnons d’évolution, les hommes puissent subsister.

3.— L’aumône ne doit pas se limiter au don que nous faisons aux pauvres qui autrefois s’asseyaient à la porte du temple, et que nous trouvons maintenant dans les couloirs du Métro, et qui demandent l’aumône par écrit pour subvenir à leurs besoins. L’aumône est tout ce qui émane de tout d’une façon spontanée et naturelle pour aider les autres à vivre : les bonnes pensées, les bons sentiments, les bonnes actions. Les bonnes, car les mauvaises sont détruites par la force de Répulsion qui anéantit tout ce qui n’est pas conforme aux règles divines et ne peut être considéré comme une aumône. Offrir des mauvais sentiments, c’est comme mettre dans la poche d’un mendiant une pièce de monnaie qui s’auto-détruirait au premier contact. En ce sens l’individu qui fait l’aumône réalise trois fonctions naturelles que nous venons de décrire et qui consistent à : recevoir, se nourrir intérieurement et donner son excédent aux autres ; s’il le fait d’une façon naturelle et constante sans sonner la trompette, c’est qu’il a atteint la phase finale de son développement et se trouve dans le Royaume du Père.

Jésus nous dit que faire l’aumône c’est pratiquer notre justice devant les hommes, et il est vrai que d’une façon ou d’une autre, le fait de donner notre excédent signifie offrir à l’autre ce qu’il y a en nous de juste, ce qui a été élaboré par notre nature, façonné par nos sentiments et qui finalement après avoir été filtré par notre raison jaillit à l’extérieur, tel l’arbre qui offre ses fruits après avoir transformé son Eau-Amour en jus savoureux et son Feu-Soleil en sucre qui donnera de l’énergie à la volonté.

Le disciple doit donner ce que sa nature a élaboré de juste, comme le prunier donne des prunes et le poirier des poires. Si sa nature a élaboré des idées, il donnera des idées ; s’il est riche en sentiments, il offrira des sentiments, mais il doit également donner des fruits matériels : son temps ou son travail, d’une façon désintéressée, par exemple. L’aumône des pauvres est l’offrande la plus modeste, et en ce sens les pauvres réalisent une fonction positive car ils permettent que de nombreuses personnes qui ne sauraient le faire autrement, atteignent le niveau évolutif qui se caractérise par l’action de donner.

Les mystères de l’aumône

4.— Jésus promet à ses disciples que le Père leur rendra, il précise plus loin, au centuple leurs aumônes. Il annonce ainsi une loi naturelle que le lecteur comprendra aisément s’il observe l’Arbre de vie.

Dans cet Arbre, qui se trouve à l’intérieur de chacun de nous, la réalité matérielle est représentée par Malkuth ; quand nous donnons à autrui une partie de ce que nous possédons, nous lui offrons en quelque sorte les portions de Malkuth, de ce qui fait partie de notre réalité matérielle, qu’il s’agisse de bonnes idées, de bons sentiments ou simplement d’argent. Si nous appauvrissons Malkuth et favorisons la formation de vides dans ce Centre, ces vides seront immédiatement ravitaillés par des éléments appartenant à la sphère immédiatement supérieure, Yésod, qui se videra à son tour pour recevoir les contenus de Hod et ainsi de suite jusqu’à Kéther-Père. En versant ses contenus dans les vides de Hochmah, Kéther se vide à son tour, et cela permet la pénétration, dans ce Séphira, de l’essence universelle du Père qui restituera tout ce qui est sorti de Malkuth.

Si les pertes enregistrées par Malkuth (à cause de nos aumônes) sont très fortes, les restitutions de notre Kéther individuel le seront d’autant plus et le Père affermira sa présence en nous. Par conséquent, si l’ancienne religion de Jéhovah conseillait à ses adeptes de sacrifier un peu de leurs possessions, celle du Christ recommande de tout donner car en donnant tout, nous recevrons également tout. Malkuth ne s’appauvrit pas en se défaisant de ses contenus car il refait le plein sur le champ. Cependant, ce n’est pas à la récompense que nous devons penser quand nous cédons nos contenus humains car, le cas échéant, nous mobilisons les mécanismes de la colonne de Gauche et courons alors le risque de recevoir les contenus de Kéther par l’intermédiaire des Séphiras de Gauche dans lesquels circulent des biens périssables et où le Bien se trouvant à l’intérieur, pour le trouver nous aurons à détruire au préalable une épaisse croûte matérielle.

Le lieu de prière

5.— « Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des rues pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le lieu secret, et ton Père, qui voit dans le secret, t’écoutera ( Matthieu VI, 5-6 ).

Ce conseil à propos de la prière est provisoire car du temps de Jésus, les juifs ne maintenaient pas de relations individuelles avec Dieu, les prières étaient collectives, on implorait Dieu pour lui demander des biens pour tout le peuple juif. Les adeptes de la nouvelle religion devaient prendre conscience du fait que Dieu agit individuellement dans chacun de nous, c’est pourquoi Jésus voulait les éloigner du Temple et leur conseillait de s’enfermer dans leur chambre. Dieu est présent dans toutes choses, et donc dans nous-mêmes, et nous pouvons l’invoquer où que nous nous trouvions. Cependant dans la vie profane, les endroits où nous travaillons, où nous vivons sont peuplés d’entités inférieures qui se nourrissent des désirs inférieurs des êtres humains. Les vapeurs de l’alcool et la fumée du tabac attirent vers notre monde des légions de désincarnés qui se sentent à l’aise parmi ces détritus, et si nous prions dans une ambiance pareille, notre prière aura beaucoup de mal à s’élever.

Pour atteindre les sphères supérieures, elle doit être transportée par les Anges Messagers qui se chargent habituellement de cette tâche après avoir reçu de nos Anges Gardiens, qui sont au nombre de trois, les demandes que nous faisons à Dieu. Mais tous ces Anges ne peuvent s’approcher de nous si nous nous trouvons dans une atmosphère particulièrement dense car leurs vibrations la détruiraient en provoquant de gros dégâts parmi les entités inférieures qui s’y logent et que les Anges, de par leur nature, ne peuvent détruire. Cela explique le fait que de nombreuses prières n’atteignent pas leurs objectifs, de là le besoin de se rendre au Temple pour prier, car les gens qui y pénètrent abandonnent normalement dehors leur personnalité inférieure pour se vouer à la partie la plus noble et élevée de leur être. Au Moyen Age, cette recommandation du Christ fut appliquée par les familles riches qui réservaient en général une des pièces de leurs maisons au Temple, à la chapelle, où les seigneurs féodaux, et plus tard la bourgeoisie rurale, assistaient à la messe. Il reste encore de nos jours quelques vestiges de cette coutume dans certaines maisons bourgeoises, et les architectes qui suivent nos Cours devraient en tenir compte. Dans les constructions du futur, chaque maison disposera d’une Pièce-Temple dans laquelle les disciples, dépourvus de tout désir impur, pourront dialoguer avec la divinité. En attendant, il est préférable de se rendre au Temple pour participer aux prières et rites collectifs destinés à l’amélioration du genre humain et s’isoler du groupe, si on le désire, pour maintenir une relation personnelle avec Dieu.

Notre Père : une prière mystérieuse

6.— « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exhaussés. Ne leur ressemblez pas. Car notre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous ne lui demandiez. Voici donc comment vous devez prier :

Notre Père qui est aux cieux !
Que ton nom soit sanctifié ;
Que ton règne vienne ;
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien ;
Pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
Ne nous induis pas en tentation,
Mais délivre-nous du malin ;
Car c’est à toi qu’appartiennent dans tous les siècles
Le règne , la puissance et la gloire, Amen ! »

Tel est le modèle de prière qui figure dans l’Evangile de St. Matthieu ( VI, 9 à 13 ), mais d’après des sources ésotériques, après « le pain quotidien » vient la phrase suivante : « Rafraîchis nos âmes à l’aide des eaux vives » et à la fin les dernières lignes sont supprimées et remplacées par : « Fais que nous soyons chaque jour plus parfaits comme toi-même tu es parfait ». La demande de pain et d’eau correspond à l’élément solide issu de Binah et au liquide lumineux issu de Hochmah. Le verset à propos du pardon des offenses devrait dire : Pardonne nos offenses dans la mesure où nous pardonnerons ceux qui nous ont offensés. ( Toujours selon les mêmes sources ésotériques ).
Le Pater a été institué comme prière des chrétiens et c’est un modèle à suivre pour toute prière adressée à Dieu. Le disciple doit le réciter au moins une fois par jour mais il est tenu d’en comprendre le sens, il doit le vivre, car s’il se contente d’une simple répétition mécanique, son effet sera nul ou presque.

Le premier verset : « Notre Père qui est aux cieux » peut être comparé à l’adresse que nous écrivons sur les enveloppes. Mais cette première ligne contient une autre réalité à ne pas oublier : nous nous adressons à la plus haute instance spirituelle, à l’aspect divin nommé Père, et non pas aux instances intermédiaires. Le Père est le seul à ouvrir le courrier qui lui est adressé mais, comme disait le Christ, si nous réclamons son attention, nous devons garder de le faire avec force de paroles, les termes que nous employons doivent être précis et clairs et dans les cas où ce sont des affaires véritablement essentielles. Si nos demandes sont secondaires, si elles ont trait aux anecdotes de notre vie, nous devons les adresser aux instances intermédiaires sans oublier de bien préciser leurs noms et « adresses ». Une prière bien adressée a de grandes chances d’être entendue.

7.— « Que ton nom soit sanctifié » doit suggérer au disciple la détermination d’offrir un traitement privilégié à tout ce qui vient du Père, c’est-à-dire de Kéther-Volonté. Sanctifier signifie célébrer, exalter, fêter, vénérer, distinguer. Nous pourrions changer l’expression « ton nom par : « Que ma volonté soit sanctifiée », autrement dit : que ma volonté soit exaltée et s’exprime dans toute sa pureté, qu’elle soit célébrée et exercée tous les jours. Réservons quelques moments de la journée à cette volonté, qui est un don du Père, pour qu’elle agisse en nous afin d’éliminer ce qui est caduc, périmé, révolu, en renouvelant ainsi notre vie.

Dans la vie sociale, sanctifier le nom de Dieu signifie laisser un espace libre pour que notre volonté humaine puisse se manifester. Nous sommes prisonniers de la routine, soumis à un travail mécanique pour lequel la volonté fournit une énergie de soutien afin que le travail continue. Dans de telles conditions, il n’y a que les jours de fête qui laissent le champ libre à l’expression de la volonté et notre société tend à réduire ces jours de fête, en sacralisant ainsi la production matérielle au lieu d’exalter le Nom du Père. Pour que ce Nom puisse être sanctifié, toutes les personnes qui travaillent à l’avènement du Royaume du Père doivent défendre la permanence des fêtes traditionnelles et en promouvoir de nouvelles afin que l’homme soit en condition d’exercer cette volonté créatrice qui lui vient du Père ; quand l’organisation de la vie de l’existence, favorise son exercice, on s’aperçoit qu’elle apporte la solution à tous les problèmes sociaux.

8.— « Que ton règne vienne ». Il s’agit du règne de Kéther, et nous demandons qu’il arrive à Malkuth notre réalité matérielle. L’objectif suprême de toute vie humaine consiste à obtenir que le règne du Père descende des hautes cimes pour s’installer dans notre Moi matériel, et qu’il pénètre dans notre sang, dans notre chair, dans nos muscles, dans nos nerfs et qu’il se manifeste enfin dans nos gestes. L’Oeuvre du Christ consiste précisément à obtenir que le règne du Père vienne à nous.

Mais le règne du Père est déjà en nous. Il est situé dans un point mystérieux de notre crâne, mais les liaisons avec notre coeur et notre cerveau n’ont aucune force, et notre Père ne dispose d’aucun moyen pour gouverner. Sa situation peut être comparée à celle d’un roi qui vivrait dans un palais dépourvu de serviteurs et de ministres pour exécuter ses ordres. Pour régner, il a besoin d’un moyen de communication qui lui permette de se faire entendre de ses sujets.

Dans notre organisme, ces moyens de communication, ces conduits sont nos désirs et nos pensées ; si ces derniers décident de se mettre au service du Roi, les ordres circuleront et arriveront jusqu’au bas de l’échelle. En disant : « Que ton règne vienne », nous émettons un désir et une pensée à la fois, nous ouvrons une voie de pénétration à notre Roi intérieur.

Mais le chemin est long et difficile. Dans l’Arbre de vie Kéther et Malkuth sont unis par une série de sentiers qui parcourent les trois colonnes, il existe une voie rapide dans la colonne centrale mais seulement quelques privilégiés peuvent l’emprunter. Le gros du peloton de l’humanité parcourt en zigzag les sentiers de Droite à Gauche et de Gauche à Droite et c’est par ces sentiers que le règne du Père descendra les hauteurs de Kéther jusqu’à Malkuth.

La première étape de ce long voyage effectué par le Père en direction de ses enfants. Nous sommes la citadelle spirituelle nommée Hochmah, dans laquelle Kéther-Père prendra un aspect, une apparence qui le rendra méconnaissable : il revêtit la tunique éblouissante de l’Amour et la Sagesse et se mettra en route pour Binah. Arrivé à ce poste-frontière, les douaniers lui demanderont s’il a quelque chose à déclarer, et le Père répondra : « Je porte dans mes bagages l’Amour qui unit tout et la Sagesse qui éclaircit tous les mystères.

Le gardien du poste-frontière de Binah lui dira : « Pour entrer dans notre monde, vous devez vous soumettre à nos règles. Ici, nous sommes très sévères avec nos sujets et de votre Amour découlera peut-être une tolérance inadmissible pour nos lois. Ici, l’apprentissage se réalise par l’expérience et il n’y a d’autre sagesse que celle que l’on obtient par l’effort. Débarrassez-vous d’une partie de votre charge d’Amour et oubliez votre savoir si vous désirez pénétrer dans notre pays ».

Kéther trouvera dans chacune des étapes qui le mèneront successivement à Hésed, Guévurah, Tiphéreth, Netzah, Hod, Yesod et Malkuth un poste de Douane qui le dépouillera de tous les ornements de sa tunique jusqu’à en faire un haillon.

Notre travail humain consiste à permettre le passage de la divinité dans chacun des Centres moteurs de notre organisme sans entraves, sans aucun obstacle. Il s’agit de supprimer les frontières et les discriminations, et d’être, à l’intérieur comme à l’extérieur de parfaits citoyens du monde. « Que ton règne vienne ! » est le mot d’ordre, le cri, la clameur qui doit nous permettre de recevoir notre souverain sans aucune restriction, sans exiger de lui qu’il se présente à nous de telle ou telle façon. Si ce désir s’exprime avec force, s’il obéit à un besoin intérieur, nous verrons un jour le Souverain apparaître triomphant dans les avenues de notre propre sang, de nos muscles, de nos nerfs, pour proclamer à jamais son règne dans notre for intérieur.

9.— « Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au ciel ». Cette phrase est une conséquence directe de la précédente. Si le règne du Père vient à nous, c’est pour établir sa volonté dans notre terre humaine, pour qu’il agisse en nous selon les règles divines, en faisant de nous des artisans conscients et volontaires de cette œuvre. La volonté du Père, de n’importe quel Père qui ne soit pas perturbé par des complexes obscurs, doit être que son fils puisse un jour le dépasser en sagesse, en connaissance et en bien-être. Et ce père mettra toutes ses possibilités mentales et matérielles au service de son fils, même jusqu’au sacrifice si besoin est. Et si le Père physique agit de la sorte, quelle ne sera pas la générosité du Père spirituel ! La volonté de Kéther se manifeste dans Hochmah sous forme de Sagesse-Amour et dans Binah sous forme d’Intelligence profonde qui permet de connaître les mystères de la Création par le truchement des lois en vigueur dans le cosmos. La volonté divine n’est donc pas contraignante, elle ne se manifeste pas d’une façon despotique en imposant un ordre arbitraire et en cachant les règles qui permettent de le comprendre ; au contraire, elle clarifie tout en fournissant des ailes à l’intelligence pour qu’elle puisse pénétrer dans la conscience cosmique.

C’est pourquoi en disant « Que ta volonté soit faite sur Terre », nous ne faisons pas appel à un chef pour qu’il nous dicte notre comportement mais nous demandons que Kéther-Père établisse en nous, comme il le fait dans le ciel, l’Amour-Sagesse et l’Intelligence-Compréhension ; qu’il nous accorde les prérogatives divines de Hochmah et Binah ; qu’à l’aide de sa volonté, il fasse de nous des créateurs en nous élevant ainsi à la catégorie de dieux pour nous permettre de participer à la Création avec la conscience éveillée.

10.— « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien et rafraîchis nos âmes avec les eaux vives ».
Cette partie de la prière est essentielle car, Jésus le dira plus loin, si nous cherchons le Royaume de Dieu et sa justice, tout le reste viendra par surcroît. Nous demandons là les qualités de Hochmah et de Binah. Du temps de Jésus, chaque famille faisait son pain, mais nous ne devons pas interpréter cette phrase dans son sens littéral, mais dans un sens plus large. La Tradition nous apprend que les sept Séphiras qui vont de Binah à Yésod participent à l’élaboration du pain, ces sept Centres de vie actifs en nous se mobilisent pour cette tâche ; donc, ce que nous demandons en réalité, c’est que le Père maintienne en activité dans notre for intérieur les Centres qui élaborent notre existence car, dans notre processus d’évolution, nous traversons les mêmes étapes que le pain, depuis qu’il est pétri jusqu’à la cuisson ; nous demandons à Dieu qu’il n’y ait en nous aucune tendance morte, qu’elles soient toutes vivifiées et en état d’alerte, ainsi le pain physique ne nous manquera pas puisqu’il est le produit naturel du travail humain.

La demande des eaux vives, qui ne figure pas dans la prière telle qu’elle nous a été transmise, est une demande d’Amour-Sagesse ( dont le siège est Hochmah ). Travail humain et Amour, voilà les deux choses essentielles que nous devons demander au Père ; il ne s’agit pas de l’Amour de la société envers nous, mais de notre Amour envers toute la Création car, si nous le donnons, il nous sera rendu, selon les mécanismes cosmiques dont nous avons parlé au paragraphe 4.

11.— « Pardonne-nous nos offenses dans la mesure où nous pardonnerons ceux qui nous ont offensés ». Adresser cette demande à un Dieu extérieur n’aurait aucun sens, car il connaît les règles cosmiques et sait que les offenses pardonnées ici-bas mettent automatiquement en marche les mécanismes du pardon dans les mondes d’en haut. Le Christ prétend que le disciple médite la question afin de prendre conscience du fait que son attitude par rapport aux autres sera ce qui déterminera l’attitude du Père par rapport à lui. Ce n’est pas que le Père modifie sa façon de nous juger, mais l’attitude du disciple le fera profiter de certains mécanismes de l’Œuvre divine.

D’autre part, Kéther-Père se trouve intériorisé dans chacun de nous et si nous prenons conscience de cette réalité, c’est de nous-mêmes, de ce qu’il y a en nous de divin, que le pardon devra nous arriver, selon une règle que le Christ exprimerait plus tard : « Toute charité bien comprise commence par soi-même ».

Pardonner les offenses de nos semblables est une tâche primordiale à réaliser, si nous voulons que s’établisse en nous le Royaume du Père, car si notre royaume humain est parsemé de haine, de rancune et de zizanie, nous aurons beau déblayer des chemins dans d’autres secteurs, le Souverain ne mettra jamais les pieds chez nous. Quand nous récitons cette partie de la prière, nous devons nous demander si nous sommes fâchés avec quelqu’un et, le cas échéant, aller trouver l’intéressé pour le pardonner et nous réconcilier. Si nous ne sommes pas capables de le faire, il est inutile de continuer la prière, car elle n’aura aucun effet.

12.— « Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin ». Nous avons vu dans la Chapitre 2 que la tentation atteint un certain degré d’évolution car le malin nous aide à prendre conscience de nos désirs, nos adieux à ce vieux professeur, expert dans les arts de la colonne de Gauche, afin de nous rattacher au courant christique qui circule à Droite. La tentation consiste très souvent à continuer à être ce que nous sommes, à ne pas nous transformer ou à ne pas incorporer de nouvelles valeurs. De très nombreuses pratiques que nous nommons chrétiennes ne sont que des vêtements presque transparents qui couvrent à peine l’ancienne doctrine.

C’est de ce mal subtil que le Père doit nous délivrer, en nous pourvoyant de la lucidité suffisante pour savoir le reconnaître, car au moment du passage d’une doctrine à l’autre, quand nous allons trouver le vieux professeur Méphisto pour lui faire nos adieux, le malin nous dit : « Pourquoi rompre nos anciennes relations ? Je reconnais bien la nouvelle doctrine et je peux te l’enseigner, comme je t’ai instruit sur le terrain de l’expérience ». Si nous acceptons son aide, nous revêtons les deux tuniques et les anciennes méthodes apparaîtront sous une nouvelle apparence.

Nous devons avoir le courage de rompre, de brûler nos vaisseaux, comme le fit Hernan Cortés quand il gagna le Nouveau Monde. Et c’est seulement à ce moment-là, quand nous ne pourrons plus tourner notre regard sur le passé, que nous découvrirons dans toute sa splendeur, les valeurs de notre nouvel univers. Le règne du Père deviendra alors actif et pénétrera dans notre conscience.

13.— « Fais que nous soyons chaque jour plus parfaits, comme toi-même tu es parfait. Ainsi soit-il ».
Dans cette dernière partie de la prière, nous réclamons une condition sans laquelle le Père ne peut nous pénétrer, car le fait de pouvoir exprimer la perfection exige un véhicule à la hauteur de ce propos ; si l’homme n’est pas parfait, le Père restera au seuil de la porte, en attendant que cette perfection soit une réalité.

Nous devons considérer le Pater, non seulement comme une prière, mais aussi comme un sujet de méditation et un enseignement qui nous mène à la perfection. Si la prière mobilise l’intellect, le coeur, la pensée et les désirs, elle sera l’un des instruments les plus efficaces de notre évolution.

Dépouillement matériel

14.— « Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites qui se rendent le visage tout défait, pour montrer aux hommes qu’ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, afin de ne pas montrer aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père qui est dans le lieu secret et à ton Père, qui voit dans le secret, te le rendras » ( Matthieu VI, 16 à 18 ).

Lorsqu’une vertu n’est pas naturelle et spontanée, mais simulée, elle ne peut s’exprimer que par une fiction, en jouant la comédie, de même que le nouveau riche, qui se couvre de bijoux, met en évidence une situation à laquelle il vient d’avoir accès, qui n’est pas naturelle en lui. La vraie vertu n’est jamais apparente et le disciple, dans sa vie ordinaire, ne doit pas la manifester. Il peut l’exprimer, mais sans ostentation. Si nous voulons jeûner, nous devons le faire dans la joie, sans laisser apparaître aucun signe de tristesse ou de résignation qui, apparemment, devraient aller de pair avec le jeûne. On ne profite vraiment de cette pratique que si elle est spontanée et naturelle, si elle répond à un besoin intérieur comme nous l’avons vu dans le Chapitre 2.

15.— « Ne vous amassez pas des trésors sur la Terre, où la teigne et la rouille détruisent et où les voleurs percent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où la teigne et la rouille ne détruisent point, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent, car là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur » ( Matthieu VI, 19 à 21 ).

Jésus prévient ici ses disciples contre l’accumulation des trésors. Notons bien qu’il conseillait de ne pas les accumuler, et ce terme correspond parfaitement à l’époque actuelle. Quand la moindre activité productive exige un capital initial, on ne peut dire du patron d’une usine qu’il emploie plusieurs centaines d’ouvriers, qu’il accumule des trésors du moment que le rendement économique de son entreprise sert à faire vivre son personnel. Mais si ce patron utilise les bénéfices pour acquérir des maisons, des terrains, ou bien pour les déposer dans une banque suisse; on peut considérer qu’il y a une accumulation de trésors, qui favorisera l’apparition des voleurs, qui vont de pair avec ce genre de richesse, et sont engendrés par le sentiment de culpabilité de tous ceux qui accumulent des trésors. Jésus nous dit que là où est  le trésor, là est aussi le coeur.

Le coeur est le quartier général de l’Ego, la parcelle divine qu’il y a en nous agit par l’intermédiaire de cet organe. Son arme secrète est la lumière, puisque l’Ego est issu d’un monde où la lumière est l’élément dominant, lequel produit le bonheur par la connaissance du cosmos. En partant du coeur, l’Ego projette la volonté humaine vers la lumière afin que son véhicule mortel lui fournisse la connaissance à laquelle il aspire. Mais les sentiments de l’homme ont matérialisé le plaisir de la lumière, en le transformant en plaisir des sens. Mais selon l’adage « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas », le fait de matérialiser le plaisir de la lumière de la part de l’homme a « obligé » la lumière à apparaître sous une forme matérielle. La lumière cristallisée n’est autre que l’or, un minéral solaire qui est une accumulation de lumière pure. Par conséquent, lorsque l’Ego projette la volonté humaine vers la lumière, cette volonté se dirige, non pas vers la source intarissable de la lumière immatérielle, mais vers sa matérialisation, l’or.

Autrefois, l’or était l’unique élément qu’on utilisait dans les transactions commerciales, la limite de la richesse était celle de l’or que l’on possédait ; il conservait alors son symbolisme, qui permettait à l’homme de découvrir que la vraie richesse est la lumière. Mais comme les réserves d’or se sont révélées plus tard insuffisantes pour la réalisation des ambitions effrénées des hommes, il a été remplacé par des billets de banque. A partir de là, on oblige la nature à donner un rendement qui se situe au-delà de ses possibilités, on force la machine du monde et à présent, après cinq siècles de travail acharné - depuis la Renaissance -, la terre n’est plus en état d’absorber les détritus que l’homme produit, et tout est pollué et corrompu.

Quand ce chercheur de la lumière qu’est le coeur humain part à la quête de l’or et demande aux passants où il peut le trouver, ceux-ci lui répondent « Pèlerin, dans notre pays, l’or est la lumière, suis-nous, car nous le cherchons également ». Ensuite tous ces coeurs-pèlerins, poussés par leurs Egos, apprennent que l’or a délégué ses fonctions et reçoit désormais un autre nom. Maintenant il s’appelle pétrole ou or noir, ou valeurs en bourse, propriété foncière, terrains. Et le résultat est que le coeur humain, qui était programmé pour chercher la lumière trouve en réalité une voiture, un bateau, une résidence secondaire ou nombre d’autres possessions dont il ne pourra jamais jouir pleinement car il n’a qu’un seul corps et ne peut se trouver partout à la fois.

Le coeur humain est par nature un chercheur de trésors et le Christ le savait, de là qu’il ait dit à ses disciples : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur ». Dans la vie mondaine, nous pouvons observer avec quelle ardeur l’homme défend ses trésors, il dicte des lois à cet effet, mobilise des armées de gendarmes et de juges pour punir quiconque ose porter atteinte aux possessions d’autrui. Les individus qui n’ont pas accès à ces trésors par les voies normales organisées par la société, mobilisent toutes les capacités et toute leur agressivité pour les obtenir autrement. Si toute cette force sociale et animique est déployée pour la défense de ces pseudo-trésors que sont les propriétés matérielles, imaginons ce qui arrivera quand l’homme découvrira que cette propriété n’est que le pâle reflet, qu’une étincelle, d’une propriété beaucoup plus importante, capable d’engendrer une satisfaction mille fois supérieure. Quand l’homme réalisera cette découverte, il organisera la société avec beaucoup plus d’énergie et de dévouement en vue de la recherche, la chasse, la capture de la vraie lumière, qui est inaltérable, que nul ne peut dérober, et dont on peut jouir intensément. La conquête de ces trésors est l’entreprise qui doit mobiliser le disciple. Le fait de se sentir attiré par la connaissance spirituelle est déjà un trésor en soi et nous ne devons pas le gaspiller en l’utilisant dans un but commercial ou négatif. Nous devons l’accumuler avec la même ardeur que l’homme profane accumule ses richesses matérielles.

Voir la perfection en toute chose

16.— « L’oeil est la lampe du corps. Si ton oeil est en bon état, tout ton corps sera éclairé, mais si ton oeil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes ces ténèbres ! » ( Matthieu VI, 22-23 ).

En Astrologie, le Soleil régit l’oeil droit et la Lune l’oeil gauche. Les deux luminaires sont en analogie avec les deux yeux. Les yeux sont notre lumière, le projecteur qui nous permet de voir le monde extérieur, mais ils contiennent également une lumière intérieure qui éclaire les travaux réalisés dans notre corps par les particules qui forment la réalité physique de l’organisme. La Science s’est rendue compte que tout dans l’homme est lumière. L’atome est formé de particules lumineuses qui se déplacent dans de grands espaces vides, comme les étoiles du firmament, et ces particules reçoivent leur lumière de l’oeil. S’il n’est pas en bon état, la lumière qu’il transmet diminue et dans notre for intérieur, les travaux se réalisent dans une pénombre partielle, relative. Et si la lumière n’est plus ce qu’elle était, comment seront les ténèbres, s’exclame le Christ !

A l’obscurité intérieure correspond l’obscurité extérieure, la réalité extérieure n’étant qu’une simple projection de la réalité intérieure. Si la lumière va vers la lumière, les ténèbres iront vers les ténèbres et si la lampe de notre corps n’est pas bien portante, nous ne percevrons du monde que la partie ténébreuse. Dans notre état évolutif actuel, nous avons tous notre part de ténèbres et de lumière. Si notre entourage voit en nous la lumière et non pas les ténèbres, notre lumière augmentera, son intensité sera considérablement accrue et tout l’univers sera un peu plus illuminé, en commençant par la personne qui nous a contemplé avec Amour, car la lumière est issue de Hochmah, qui est tout Amour. Amour et lumière sont une même chose.

Par contre, si nous ne voyons chez les autres que leur partie ténébreuse en les obscurcissant, nous nous couvrons nous-mêmes de ténèbres et dans le monde, la lumière perd de l’intensité.
Si nous ne voyons chez les autres que les défauts, au lieu de voir les vertus, c’est que notre lampe intérieure est en mauvais état et exige une réparation ou un nettoyage. Selon la science ésotérique, les mécanismes de notre corps sont activés par des entités spirituelles qui habitent dans les mondes supérieurs et qui, pour travailler dans notre organisme, ont besoin de lumière. Si nous ne pouvons leur assurer un bon éclairage, ces entités supérieures ne se présentent pas à leur poste de travail et les spécialistes des ténèbres, issus des régions inférieures du Monde du Désir, prennent leur place. Leur présence en nous assurera celle des ténèbres et il nous sera très difficile d’identifier, dans le monde extérieur, les vertus qui correspondent à la lumière.

D’autre part, dans les ténèbres, agit la Force de Répulsion qui détruit tout et si nous sommes soumis à cette force, il nous sera difficile de conserver la santé, et un jour à cause d’un courant d’air, un autre à cause d’une nourriture avariée etc... notre corps s’affaiblira tandis que notre personnalité extérieure cherchera le coupable et demandera pour lui un châtiment exemplaire, ( il y a eu en Espagne une affaire d’adultération d’huiles qui a valu des dizaines d’années à ses coupables ) sans se rendre compte que le vrai coupable est l’oeil qui se trouve en mauvais état et ne laisse pas passer la lumière. Cherchons les qualités de nos semblables, remarquons ce qu’il y a en eux de beau, et ainsi notre lampe s’illuminera.

Comment génère-t-on inconsciemment des karmas négatifs

17.- « Nul ne peut servir deux maîtres. Car, il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » ( Matthieu, VI, 24 ).

Le Christ exprimait ainsi la Loi du Binaire, selon laquelle tout a deux pôles et si dans une extrémité, on trouve l’Amour, dans l’autre se trouve la haine. Quand nous nous identifions à l’un des pôles, nous méprisons ce qui est opposé car c’est le contraire de ce que nous aimons et respectons. Si nous sommes au service de Mammon, c’est-à-dire de Mem-Mem-Noun, lettres du code sacré qui expriment le Royaume matériel corrompu, nous risquons de nous identifier à ce « maître » et de le vénérer à tel point que nous rejetterons et haïrons le « maître » du pôle opposé, qui représente l’opposé de la corruption ; nous haïrons donc Dieu, l’Ego Supérieur qui nous donne la vie.

Dans son état évolutif actuel, l’humanité est soumise à deux maîtres. D’un côté, nous respectons et vénérons une certaine morale et de l’autre, nous réalisons pendant huit heures par jour une activité professionnelle qui est contraire à cette morale. Une anecdote nous servira pour illustrer cette affirmation : il n’y a pas très longtemps, l’une des « Emmanuelle » du cinéma, qui figure parmi celles qui ont tant contribué à la création de fantasmes érotiques logés dans les régions inférieures du Monde du Désir, déclarait lors d’une interview à la presse qu’elle n’allait nulle part sans son mari, et quand les journalistes lui posèrent les questions à propos de l’érotisme, elle s’indigna et répondit que son travail et sa vie privée étaient deux choses bien différentes. Ainsi, devant les caméras, elle pouvait représenter les scènes les plus scandaleuses, mais dans sa vie privée, son attitude était irréprochable. Elle servait, sans aucun doute, deux maîtres à la fois, aimant l’un, détestant l’autre, mais tout en le détestant, elle continuait à le servir.

Cependant, elle jouissait d’un avantage par rapport à un bon nombre de personnes : elle savait parfaitement qu’elle était en train de faire le contraire de ce qu’elle prétendait être. Il existe une foule d’autres activités qui sont incompatibles avec les valeurs que nous voulons servir, mais cette incompatibilité n’est pas toujours évidente. Prenons l’exemple du fabriquant de papier, qui est peut-être irréprochable dans sa vie privée mais dont la production est utilisée pour imprimer la pornographie. Il peut se dire qu’il n’est pas responsable de l’utilisation qui est faite de ses produits, que le papier sort de ses usines blanc et pur ; mais le fait est que ces images obscènes ont besoin de papier pour se manifester et par conséquent, qu’il l’admette ou pas, ce fabriquant sera en train de servir le « maître » de l’obscénité, qui sera ainsi rattaché à sa maison et à sa personne. Si nous agissons dans les deux pôles à la fois en aimant l’un et en détestant l’autre, comme dans les deux exemples cités, le pôle que nous rejetons, mais que nous servons, deviendra de plus en plus puissant, plus coercitif et plus oppressif pour nous : le maître que nous haïssons envahira progressivement toute notre vie à tel point qu’il nous obligera à lui consacrer tous nos efforts, tous nos sentiments, toutes nos pensées et tous nos actes.

Nous savons que tout se radicalise avec le temps, que les desseins de notre  Ego « descendent » au monde des sentiments, que la pensée humaine les institue et qu’ils atterrissent dans le monde matériel. Les actes que nous réalisons à contre coeur finiront par former le cadre dans lequel se déroulera la vie ordinaire, mais cela aura lieu dans une prochaine existence, dans laquelle l’Emmanuelle de notre temps sera, dans la vie réelle, le personnage qu’elle représente maintenant dans la fiction. Et de son côté, le fabriquant de papier représentera dans la réalité les scènes qui maintenant se diffusent grâce à sa production.

Toute perversion est, à ses débuts, une attitude apparemment innocente, à laquelle nous accordons peu d’importance et qui est, en sus, logique et naturelle ; elle jaillit d’elle-même, spontanément, sans que nous la cherchions. S’il y a des ténèbres dans notre regard, comme disait le Christ dans le paragraphe précédent, n’est-il pas normal et logique que dans le monde extérieur, nous voyons également des ténèbres ? Elles seront notre pain quotidien, nous  les trouverons partout et elles nous absorberont de plus en plus.

Mais quand nous nous trouverons au plus bas de l’échelle, quand elles nous auront complètement envahi et nous nous vouerons à Mammon en méprisant Dieu, ce mépris nous reliera au Père Eternel. Sa lumière jaillira de nos ténèbres et nous obligera à vivre en lui, même à contrecoeur. Quelle que soit la direction que nous prenons, le Père sera toujours notre dernier objectif.

Bâtir positivement le monde

18.— « C’est pourquoi je vous le dis, ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture et le corps et plus que le vêtement ? » ( Matthieu VI, 25)

Le Christ répond ainsi aux questions que se poseront inévitablement les personnes qui auront lu le paragraphe précédent : si Emmanuelle cesse d’être ce qu’elle est, de quoi se nourrira-t-elle ? Si le fabriquant de papier arrête sa production destinée à la pornographie, de quoi vivront ses ouvriers ? Le fait que ces questions puissent être posées sérieusement en dit long sur le niveau de dégradation que nous avons atteint, car cela équivaut à dire : « Si nous observons les lois du Créateur, de quoi allons-nous vivre ? ». Imaginons qu’un important homme d’affaires mobilise un grand nombre d’ouvriers pour construire une usine, et que dès que la construction est achevée et organisée, il embauche d’autres ouvriers et leur tient ces propos : « Etant donné que nous devons vivre de notre travail, de notre activité, vous allez détruire progressivement cette usine, car vous pourrez ainsi recevoir un salaire convenable pour récompenser votre travail destructeur ». Nous imaginons difficilement qu’une telle situation puisse se produire, et pourtant... c’est exactement ce qui se passe tous les jours : nous détruisons, par le biais de notre travail quotidien, notre organisme physique, ainsi que le milieu naturel que Dieu nous a donné pour vivre. Et de plus, nous prétendons que si ce travail destructeur n’existe pas, nous n’aurons pas de quoi nous nourrir ni de quoi nous habiller.

Nous nous comportons comme si Dieu avait rempli l’univers de créatures pour ensuite les abandonner, sans ressources, à une mort certaine. Mais si nous observons le déploiement de la vie en ce 4e jour de la Création, nous constaterons que Dieu a prévu l’aliment de l’homme, car la première vague de vie qui fit son apparition sur terre fut la Minérale, qui fut suivie de la Végétale, puis vint l’Animale et enfin l’Humaine ; et cela confirme la loi selon laquelle les derniers à se manifester seront les premiers dans l’ordre de la création, puisque l’être humain fut  la première espèce créée dans cette période de Manifestation. Dès son apparition, l’homme disposa donc de tout ce dont il avait besoin pour s’habiller et pour se nourrir.

Vivons selon les Lois divines

19.— « Regardez les oiseaux du ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? Qui de vous par ses inquiétudes, peut ajouter une coudée à la durée de sa vie ? Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement ? Considérez comment croissent les lys des champs, ils ne travaillent, ni ne filent ; cependant, je vous dis que Salomon même dans toute sa gloire, n’a pas été vêtu comme un d’eux. Si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs qui existe aujourd’hui et qui demain sera jetée au four, ne vous vêtira-t-il pas à plus forte raison, gens de peu de foi ? » ( Matthieu VI, 26 à 30 ).

En tant qu’illustration de ses affirmations du paragraphe précédent, Jésus nous invite à observer les autres règnes de la nature, car les animaux et les plantes sont « habillés » selon leurs besoins, pour supporter les climats dans lesquels la nature les a situés. Il en est de même pour le règne humain car tout dans la nature obéit aux mêmes lois, ce qui est en bas est comme ce qui est en haut ; et ce qui est vrai dans le monde minéral, le sera également dans le monde végétal, animal ou humain. En raisonnant par analogie, nous pourrions découvrir le fonctionnement de tous les mécanismes cosmiques et nous y intégrer. En vivant d’une façon naturelle, nous jouirons de la protection que les lois cosmiques offrent à quiconque vit selon ces lois.

Dieu a donné aux oiseaux des ailes proportionnées au poids qu’elles doivent supporter. Quand ils se sentent très attirés par la terre, quand ils préfèrent la sécurité de la basse-cour à la liberté du ciel, leurs ailes s’affaiblissent et se transforment, comme dans les cas de poules, en un simple élément décoratif. Dieu ne protège ni les papillons qui volent sur la mer ni les tigres qui sortent de leur territoire naturel, comme celui qui s’aventura sur les cimes du Kilimandjaro et dont le corps congelé fut découvert par des alpinistes ; anecdote qui inspira à Hemingway l’un de ses plus beaux romans.

Il en est de même pour l’espèce végétale quand elle sort de son enceinte naturelle. Le phytothérapeute Maurice Mésségué raconta dans un de ses livres qu’il planta aux alentours de Paris plusieurs champs de plantes médicinales et il constata que si leur aspect extérieur était splendide, elle avait néanmoins perdu toutes leurs vertus thérapeutiques. Les lois divines retirent leur protection aux espèces créées quand celles-ci s’éloignent de leur milieu naturel. A ce propos, nous pourrions méditer au sujet de l’ambition qui pousse les individus à sortir de leur milieu naturel, mais nous en avons déjà parlé, et le lecteur peut tirer ses propres conclusions.

Soyez le point de départ de la nouvelle société

20.— « Ne vous inquiétez donc point, et ne dites pas : Que mangerons-nous, que boirons-nous ? De quoi serons-nous vêtus ? Car toutes ces choses, ce sont les païens qui les recherchent. Votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez premièrement le Royaume et la justice de Dieu, et toutes ces choses vous seront données par surcroît » (Matthieu VI, 31 à 33).

La vérité de cet axiome est réelle et sera toujours valable. Ils sont nombreux ceux qui ont cherché le Royaume et enduré d’énormes difficultés avant de le trouver, en réalisant, une fois entrés, que toutes leurs difficultés disparaissaient. De nos jours, il existe un nombre très réduit d’activités qui soient totalement en accord avec les lois de la Création. Et cela produit forcément une réaction dans la nature. Si les activités contraires aux lois naturelles cessaient tout d’un coup, il y aurait dans le monde des centaines de milliers de chômeurs, cela provoquerait une catastrophe incalculable. Pour éviter cette situation, le retour à l’ordre doit être progressif et graduel et c’est de nous — qui étudions ces textes — que doit démarrer l’initiative pour stopper la corruption de la société, en cessant de participer à tout ce qui y contribue. Nous devons savoir dire « Assez ! ».

Si cette attitude part de nous comme un dessein, elle se frayera peu à peu un chemin dans nos sentiments jusqu’à devenir une exigence, un besoin à satisfaire. Nous réaliserons alors que la crainte que nous avons de perdre nos moyens matériels n’avait aucun fondement, et qu’au contraire, nous disposons du nécessaire pour mener à bien nos propos justes. Mais, ne nous méprenons pas, ne laissons pas que notre vanité ou notre orgueil nous fasse croire que nous sommes déjà arrivés. Ce sont nos penchants naturels, nos désirs qui doivent nous dire si nous agissons dans la même justice du Royaume.

S’ils nous inclinent vers le sexe, vers l’alcool, le tabac ou les plaisirs des sens ; s’ils nous poussent à juger autrui, à nous enorgueillir de certaines conquêtes spirituelles, à sonner la trompette pour proclamer nos vertus et nos connaissances, c’est que nous sommes encore sur le sentier et nous n’avons pas encore atteint la zone de sécurité où vit le lys des champs ; nous ne sommes encore qu’un pion du jeu, un pion qui court sans cesse le danger d’être « coulé » par l’adversaire.

Quand nous aurons vraiment envie d’entrer dans le Royaume, lorsque ce désir sera plus fort que tout le reste, une fois qu’il aura mûri et donné des fruits, alors nos habits seront encore plus splendides que ceux de Salomon et nos besoins seront couverts par la Providence.

Vivre aujourd’hui pour un lendemain heureux

21.— « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car  le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine » (Matthieu VI, 34).

Ainsi s’achève la deuxième partie du plus grand traité de comportement jamais écrit. Jésus nous dit ici que nous devons vivre chaque jour comme une unité, comme si notre vie se réduisait à ce jour, sans passé ni futur.

La continuité est assurée par le processus normal d’activité de l’univers. Le bien que nous avons réalisé pendant une journée s’incorpore en nous-mêmes, son souvenir demeure en nous sans que nous ayons besoin de nous dire : « Hier, j’ai bien agi ». Par contre, le mal n’est pas incorporé et ce n’est qu’à la suite d’un grand effort que nous arriverons à l’incorporer à la nouvelle journée. La haine, la rancune, la jalousie et les désirs pervers doivent être chaque jour récréés si nous tenons à les cultiver car ils sont constamment poursuivis par la Force de Répulsion qui cherche à les détruire. Si nous vivons en accord avec les lois naturelles, tout le mal restera en marge de notre existence.
Dès notre réveil chaque matin, nous devons oublier les reproches et les rancunes du jour précédent et traiter nos proches comme si nous venons tout juste de faire leur connaissance, comme si le mal qu’ils ont pu nous faire la veille n’existait pas.

Dans le Royaume du Père, nous n’aurons pas de problèmes économiques, tout viendra à nous d’une façon naturelle, normale. Si nous observons l’Arbre de Vie, qui est un modèle d’organisation cosmique, nous verrons que les énergies qui circulent dans la colonne de Droite reçoivent leur salaire matériel des Séphiras de Gauche, qui permettent aux énergies d’exister, dans une enveloppe physique. De même, la lumière qui se dégage de notre travail humain recevra les moyens matériels qui permettront sa continuité. Dans notre activité professionnelle, évitons de penser en termes économiques, à fabriquer un produit qui soit vendable et qui plaise à la clientèle, mais donnons le meilleur de nous-mêmes, ce qui correspond à notre vocation, en entendant par là l’activité pour laquelle nous paierons volontiers au lieu de recevoir un salaire.

Dans le Royaume du Père, le travail sera agréable, plaisant, et le mandat de Jéhovah qui consiste à gagner notre pain avec la sueur de notre front, perdra tout son sens. L’inquiétude à propos du futur est propre aux individus qui vivent enfouis dans les régions inférieures où régit la Loi de  la Répulsion et où un effort surhumain est nécessaire pour récréer la réalité de la vieille. Quand il abandonne ces régions, l’être humain s’installe dans les zones de sécurité où le futur contient les éléments matériels pour couvrir nos besoins.

Dans le Royaume du Père, tous  les problèmes trouvent leur solution car ils sont unis à elle par une sorte de cordon ombilical. Si nous ne la trouvons pas, c’est parce que nous ne vivons pas dans l’unité, mais dans le règne du multiple où une même chose peut avoir cent visages différents et où les problèmes apparaissent isolés de leurs solutions.

22.— Dans cette deuxième partie du Sermon, Jésus enseigne aux Apôtres que les lois de l’univers doivent être intériorisées en eux-mêmes afin qu’ils deviennent les instruments de leur expression naturelle. S’ils ne sont pas eux-mêmes ces lois, tout ne sera que pure comédie et fiction et alors ni la justice ne correspondra à la manifestation d’un code intérieur, ni l’aumône ne sera un fruit naturel de l’individu, ni la prière ne correspondra à un besoin de dialogue avec la transcendance, ni l’expression d’une vertu quelconque ne sera le déversement normal et naturel qui se produit quand le réceptacle intérieur est plein, mais seulement la représentation théâtrale, fictive de ce qui un jour sera notre réalité. Nous devons être authentiques dans nos manifestations, telle est la Charte que nous devons tirer de cette partie du Sermon, car nous découvrirons ainsi nos défauts, lesquels n’apparaîtront jamais à la lumière du jour si nous nous acharnons à les dissimuler sous le voile fictif de la perfection.

Kabaleb, Interprétation Esotérique des Evangiles

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